Témoignages sur la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu et toujours vierge Marie

  1. Homélie de saint Nicolas Cabasilas (XIVe siècle)

 

“Il élève les humbles”

Il fallait que la Vierge soit associée à son Fils en tout ce qui regarde notre salut. De même qu’elle lui a fait partager sa chair et son sang…, de même elle a eu part à toutes ses souffrances et à toutes ses peines… La première, elle a été rendue conforme à la mort du Sauveur par une mort semblable à la sienne#. C’est pourquoi, avant tous les autres, elle a eu part à la résurrection. En effet, après que le Fils eut brisé la tyrannie de l’enfer, elle a eu le bonheur de le voir ressuscité et de recevoir sa salutation, et elle l’a accompagné autant qu’elle a pu jusqu’à son départ vers le ciel. Après son ascension, elle a pris la place que le Sauveur avait laissée libre parmi ses apôtres et ses autres disciples… Cela ne convenait-il pas à sa mère plus qu’à tout autre ?     

Mais il fallait que cette âme très sainte se détache de ce corps très sacré. Elle l’a quitté et s’est unie à l’âme de son Fils, elle, une lumière créée, à la lumière sans commencement. Et son corps, après être resté quelque temps sur la terre, a été lui aussi emporté au ciel. Il fallait, en effet, qu’il emprunte tous les chemins que le Sauveur avait parcourus, qu’il resplendisse pour les vivants et les morts, qu’il sanctifie en toutes choses la nature et qu’il reçoive ensuite la place qui lui convenait. Le tombeau l’a donc abrité quelque temps, puis le ciel a recueilli cette terre nouvelle, ce corps spirituel, ce trésor de notre vie, plus digne que les anges, plus saint que les archanges. Et le trône a été rendu au roi, le paradis à l’arbre de vie, le monde à la lumière, l’arbre à son fruit, la Mère au Fils : elle en était parfaitement digne puisqu’elle l’avait engendré.      

Ô bienheureuse, qui trouvera les mots capables d’exprimer les bienfaits que tu as reçus du Seigneur et ceux que tu as prodigués à toute l’humanité ?… Tes merveilles ne peuvent resplendir que là-haut, dans ce “ciel nouveau” et cette “terre nouvelle”#), où luit le Soleil de justice# que les ténèbres ne suivent ni ne précèdent. Le Seigneur lui-même proclame tes merveilles tandis que les anges t’acclament.

  1. Père Lev Gillet : « L’An de grâce du Seigneur »

( … ) C’est dans les chants des vêpres et des matines qu’il faut chercher la signification particulière que l’Eglise orthodoxe attribue à la fête du 15 août.

Cette signification est double. Elle se trouve exactement exprimée dans cette phrase chantée aux vêpres : « la source de vie est mise au sépulcre et son tombeau devient l’échelle du ciel. » La première partie de la phrase (…) indique que nous commémorons la mort de la très sainte Vierge. Si nous célébrons pieusement, chaque année, les anniversaires de la mort du Précurseur, des apôtres et des martyrs, à plus forte raison célébrons-nous la mort de la Mère de Dieu, qui est aussi notre mère, et qui dépasse en sainteté et en gloire tous les élus. Mais la fête du 15 août est plus que la commémoration de la mort de Marie. La deuxième partie de la phrase dit : « … et son tombeau devient l’échelle du ciel ». La tombe de quiconque est mort dans le Christ est, d’une certaine manière, une échelle qui conduit au ciel. Cependant le cas de Marie est exceptionnel. Les textes liturgiques que nous chantons impliquent autre chose : « Ouvrez larges vos portes et … accueillez la mère de la lumière intarissable … car, en ce jour, le ciel ouvre son sein pour la recevoir … Les anges chantent ta très sainte Dormition … que nous fêtons avec foi …Que tout fils de la terre tressaille en esprit… et célèbre dans la joie la vénérable Assomption de la Mère de Dieu ». On le voit, il ne s’agit pas seulement de la réception de l’âme de Marie dans le ciel. (….) nos textes expriment la croyance en l’Assomption corporelle de Marie. (…) le corps  de Marie n’a pas connu la corruption qui suit la mort ; il n’est pas resté dans le tombeau ; Marie ressuscitée a été transportée au ciel par les anges (l’Assomption diffère de l’Ascension en ce que le Christ s’est élevé lui-même au ciel). ( … )

L’Assomption est la fête, non seulement de Marie, mais de toute la nature humaine. Car, en Marie, la nature humaine a atteint sa fin. Une semaine après le début de l’année liturgique, nous célébrons la naissance de la très Sainte Vierge ;  deux semaines avant la fin de l’année liturgique, nous célébrons la mort et la glorification de Marie. Ainsi, associé et subordonné au cycle de la vie de Jésus, le cycle de la vie de Marie manifeste le destin et le développement d’une nature humaine entièrement fidèle  à Dieu. Avec Marie, c’est le genre humain qui est emporté et reçu au ciel. Marie a des privilèges qui ne peuvent pas être les nôtres. Mais ce parfait épanouissement de la grâce en Marie, que nous admirons le 15 août, nous suggère quelle pourrait être la ligne de développement d’une âme qui s’appliquerait à faire fructifier en elle-même les grands dons reçus au cours de l’année liturgique, – le don de Noël, le don de Pâques, le don de la Pentecôte.

 

Père Lev Gillet , « L’An de grâce du Seigneur », pp283-285, éditions du cerf, 1988